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Ti Manno : l'immortel

 


Antoine Rossini Jean Baptiste, plus connu sous le sobriquet Ti Manno, demeure indiscutablement l'un des plus légendaires chanteurs de toute l'histoire de la musique haïtienne. Plus de 20 ans après sa mort, son nom est toujours évoqué avec vénération et fascination tant par les mordus du compas que par les musicologues avertis qui n'ont cessé de voir en lui un modèle inégalable, un visionnaire, un artiste patriote doué d'un talent et d'un charisme hors pair.

Durant sa carrière musicale émaillée de succès, il avait prêté sa voix envoûtante à divers groupes dont « Volo-Volo », « Astros » de New York, « D.P. Express » avant de former son propre groupe, Gemini All Stars où il a montré toute la plénitude de son génie. Plusieurs de ses compositions étaient le fruit de son imagination abondante. Ce sont avant tout des chansons lyriques où il exprimait son état d'âme sur des thèmes variés et profondément humains, tels l'amour, la justice, la liberté, le mal-être, l'exclusion, l'espoir.

Apôtre de la contestation, sa musique s'était démarquée du cachet à l'eau de rose à l'époque. Elle témoignait d'un engagement sans bornes à la cause de la justice et de la liberté. « Changer l'homme, changer la vie », ces deux phrases résument le but du combat que menait Timanno dans le contexte difficile de la dictature duvaliérienne. Il en faisait sa raison de vivre, sa raison d'être même. A travers des textes d'une belle facture comme « Lajan », « Exploitation » « Asamm », « Nèg kont nèg », « Sort du tiers monde », « Maryaj interè », « Korije... », le samba s'insurgeait contre les tares politico-socioculturelles qui gangrenaient la société de son temps tout en appelant à un changement de mentalité pour une Haïti régénéréeDans « Exploitation », chant au titre combien évocateur, Timanno dénonçait l'exploitation de l'homme par l'homme. Il plaidait pour la disparition des inégalités au sein de notre communauté tout en conviant les différentes couches de la société à la concorde. « Egalite, fwatènite, sesa pou nou obsève / pou la vil fè youn sèl ak lakanpay ». Sa voix s'était également élevée contre le harcèlement sexuel dont étaient victimes souvent les femmes dans le milieu du travail. « Gen youn seri de patwon se pa konesans yap cheche se pito youn moun pou satisfè santiman yo / yo mande yo fè over time, over time tounen over all... Gade misè fanm ap pase poul travay o Bon Dye ! mesye lanmou pa dwo rantre nan afè travay » Une réalité amère encore actuelle de nos jours, malheureusement. Et « nan danje » laisse transparaître une vive explosion d'indignation contre les traitements infligés aux émigrés haïtiens aux Etats-Unis, en Colombie, au Pérou, au Venezuela, aux Bahamas, en Bolivie, etc...Ceux-ci utilisent le fait qu'Haïti est pauvre pour nous isoler et nous humilier. « yo pran misè peyi nou fèl sèvi de jouman / toupatou kote nou pase yo choute nou ak kout piye / sa te fèm mal lóm gade ayisyen blan nan sevis imigwasyon tap fè chyen devore ». Des pays qui devaient pourtant se montrer plus cléments à l'égard de nos compatriotes se rappelant la contribution d'Haïti à leur libération ou à leur indépendance. Il est a noter que ce texte a inspiré deux anthropologues américains Nina Glick-Schiller et Georges Fouron dans un article publié dans l'Américan Ethnologist en 1990 : « Timanno et l'émergence d'une identité nationale ».
Dans ce contexte, il mettait en garde les Haïtiens qui fuyaient le pays sur des embarcations de fortune en quête d'un bien-être vers des cieux où ils n'étaient jamais les bienvenus (Cantè).

C'est par patriotisme autant que par humanisme que Timanno a composé « SIDA » en vue de la défense des Haïtiens accusés dans un esprit d'haïtianophobie de « porteurs de sida». Et le texte d'Ansy Dérose « FDA wanraje », qui a poussé des millions d'Haïtiens à gagner les rues de Brooklyn le 20 Avril 1990 pour protester contre les menées discriminatoires à travers la Food and Drug Administration, se situe dans le même objectif.

L'amour de la patrie inspirait à Timanno "David", un texte d'un lyrisme touchant à un moment où Haïti vivait sous la menace d'un ouragan dévastateur, David. A la jeunesse haïtienne qu'il aimait tant, il lançait un vibrant appel afin de la détourner des vices et de la réussite facile « ti jèn jan kap etidye / fók nou pa dekouraje se sèvo nou ki paspó nou lajan se supèfli... » (Lajan)

24 ans après que les yeux du trouvère furent éteints, le 13 mai 1985 à l'Hôpital Saint Luke à Manhattan, on gardera toujours de lui le souvenir d'un ardent apôtre de la résistance, d'un éveilleur de conscience qui s'était présenté à la barre au côté de bien d'autres, comme témoin à charge dans le procès d'une société infecte, macoutisée, où régnaient la loi du plus fort, et où vol, corruption s'érigeaient en valeur. Il chantait tout haut ce que les autres murmuraient tout bas. Porte-parole de sa génération, il gravissait les podiums pour chanter les souffrances et les misères de bon nombre d'entre nous, espérant que ces chansons pourraient frayer les chemins menants vers l'égalité, la justice et le bonheur pour tous. En ce sens, le chanteur Timanno est immortel, car ces textes remplissent l'espace de notre temps pour interroger notre conscience et parler à nos coeurs.

le nouvelliste
(Paru sur : haitiwebs.com : http://www.haitiwebs.com/showthread.php?t=53137)


 

SOUTIEN A TI MANNO

 

 

    L'un des premiers jalons posés par cette émission (Moment Kreol) fut le radiothon organisé en faveur de Ti Mannno sur W.L.I.B. et le soutien qu'elle procura a la communauté qui écoutait avec peine les bulletins de santé d'une de ses idoles preferées.

    Tout a commencé le Dimanche 7 Avril quand Fritz Martial lança sur les ondes "Operation Chaché Manno. Après 15 minutes, le télephone sonna et un auditeur affirma qu'il pouvait nous mettre en contact avec Manno. Tout de suite après l'intervention de l'auditeur, Manno nous appella et une entrevue de 45 minutes lui a eté accordé. Il nous donna le feu vert de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour qu'il trouve la guérison. Un extrait de cette entrevue fut insinuée dans l'une des chansons d'Accolade de New York titre 'Adieu Supreme' Marc 347. Pendant les jours qui suivirent l'entrevue de Ti Manno, un compte en banque portant le nom de ' Moment Creole Ti Manno Care Fund % Fritz Martial WLIB a eté ouvert . Par la suite, 'Opération Chache Manno devenait Operation mains contrées, titre d'une des chansons de Manno et son Gemini All Stars .

    Après l'entrevue , la communauté haitienne de New York fut mobilisée et un brassage d' idées domina tout le reste de la journée . Antoine Brutus, Vénerable du Centre Maçonique haitien nous offrit le centre comme lieu de rencontré et une tête a tête fut fixée pour le Vendredi 12 Avril 1985.

    Ils étaient venus, ils étaient tous la , ce Vendredi d'avril. Médecins, musiciens, coiffeurs, cordoniers, hommes et femmes de lettres, ingénieurs, écoliers, collégiens, femmes de maison et banquiers . Après quelques minutes de débat , un comité dont le but a eté de sauver la vie de Ti Manno fut crée . Ce comité biffurqua en plusieurs branches .

 

  • Un comité de presse ayant comme membres Rene Audain de l'émission Sociologie et culture, Kathy Jean Baptiste, l'épouse de Ti Manno, Raynald Louis de Perspectives Haitiennes et Gérard Janvier de Haiti Demain .

  • Un comité de loisirs compose de Myriam Dorismé, Guy Gerald Victor, Isnard Douby du System Band, Jean Claude Dorsainville de Accolade, Rodrigue Gauthier "Ti Crane" des Skah Shah.

  • Un comité médical formé de Dr Raynald Altema, Dr Jean Robert Romulus, Dr Pierre et Guy Gerald Victor, representant de Moman Kreyol .

    Pendant la conférence de presse , Guy Victor déclara à l'assistance que Timanno fut malade depuis près d'un an. Cependant , bien qu'il ait perdu 30 kg , sa santé semblait être meilleure au moment de la conférence. Guy avait aussi indiqué que Ti Manno souffrait d'un ulcere à l'intestin et que cinq jours passés à l'hopital pourrait atteindre un montant de $ 10.000.

    Tandis que se deroulait la conférence, Fritz Martial fit savoir à l'auditoire, qu'il commençait a recevoir des chèques et le compte en banque avait un montant de $452 .50. Compte tenu de la forte somme que le comité aurait besoin pour sauver Ti Manno, les $452 .50 ne representaient absolument rien. Alors, pour atteindre l'objectif financière, les artistes déciderent de graver un disque à partir d'une chanson composée par Dadou Pasquet . Ils déciderent aussi de demander aux propriétaires de boites de nuit de charger leurs clients un dollar de plus. Ce surplus serait deposé dans le compte en banque destiné à couvrir les frais médicaux de Ti Manno. Des boites à l'effigie de Ti Manno ou ses adeptes et amis pourraient déposer leurs contributions furent installées dans plusieurs maisons de commerce de New York , New Jersey et Connecticut.

    Admis à l'hôpital Saint Luc de Manhatan, le Mardi 16 avril, un communiqué émanant du comité de presse affirma que Ti Manno souffrait d'un ulcère au colon . Après avoir été critique, son état de santé s'était stabilisé, on lui administrait des traitements par voie buccale. Ce communiqué de presse fut comme un cadeau tombé du ciel pour ses adeptes. Mais, la joie que procurait ce cadeau ne serait qu'éphémère. Un mois après, Manno rendit l'âme. Ses funérailles furent chantées à l'église Saint Mathieu de Brooklyn le 17 mai 1985. A notre manière, Manno eut à New York des funérailles nationales. De peur que ses dépouilles soient volées, la police de New York escorta le corps de Ti Manno jusqu'au cimetière de Queens Boulevard le Samedi 17 mai et le reste est notoire .

Cet article a été modifié (plus de détails ont été fournis - voir Articles page 8)

 

   Paru sur adrienberthaud.com ( http://www.adrienberthaud.com/what_%20happened_to_moment_kreole.htm)

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