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Ti Manno : le parcours d’un chanteur inoubliable


Ce dimanche 13 mai (2012), c’est l’anniversaire de la mort du chanteur Antoine Rossini Jean-Baptiste, alias Ti Manno, l’homme à la voix d’or qui résonne encore dans les tympans de la génération des années quatre-vingt.
Grand fan de reggae, spécialement de Bob Marley, Ti Manno avait, paraît-il, rendez-vous avec la star de reggae. Couché dans son lit d’hôpital, Ti Manno est décédé le jour des funérailles de Bob. Il s’est éteint à New York à l’âge de 32 ans, après une carrière musicale riche et mouvementée, mais qui n’aura duré que quinze ans.
Originaire de la ville des Gonaïves, Ti Manno, auteur, compositeur, interprète, guitariste, claviériste et percussionniste, débute timidement sa grande aventure au début des années soixante-dix. Il était peu connu du grand public quand il chantait avec le « Volcan des Gonaïves » ou aux « Diables du Rythme » de Saint-Marc.
C’est dans la ville du Cap-Haïtien qu’il a passé son adolescence. Il fréquenta l’école des frères de la deuxième ville du pays. Il y faut remarquer l’influence de l’orchestre Septentrional sur lui ou dans des interprétations sur l’un des albums de Gemini all Stars. Il s’était fait remarquer dans des sérénades, surtout à Saint-Marc, en interprétant les hits latins de l’époque.
Parti pour les États-Unis d’Amérique, c’est dans le groupe Volo-Volo de Boston que sa voix a commencé à attirer les mélomanes. Et, selon des sources non confirmées, les responsables du groupe ne voulaient pas tellement de lui. Alors que Antoine Rossini Jean-Baptiste a interpreté cinq des six morceaux gravés sur le premier album de Volo Volo baptisé « Caressé ». Ti Manno a fait un passage au sein des Astros avec le maestro batteur Yves Arsène Appolon.
Revenu en Haïti à la fin des années soixante-dix, le DP Express a fait appel à Ti Manno qui a évolué pendant un laps de temps à côté du le chanteur Hervé Bléus, qui, par la suite, avait laissé le pays pour les Etats-Unis. C’est le batteur Almando Keslin qui l’avait recommandé auprès des membres du groupe.
Ainsi, Ti Manno commença une carrière qui va bouleverser le monde musical haïtien.
Sa première prestation avec le groupe, pour certains, fut une catastrophe. C’était un dimanche après-midi au Casino international de la cité de l’Exposition. Le public n’avait pas remarqué encore les changements qu’il allait imposer.
Cela allait marcher après quelques bals et kermesses à travers le pays et à l’étranger. Ti Manno devint la coqueluche non seulement des fans du DP Express, mais aussi des amants de la musique.
La sortie de l’album « David »’ en 1980, suivi du succès éclatant et immédiat du titre éponyme de cet opus fut sa grande consécration. Tous les titres de « David »’ enflammèrent la bande AM et les boîtes de nuit comme un feu de forêt : « E, E, E », « Ansanm Ansanm », « Korije », etc., flottent sur toutes les lèvres. Presque toutes les compositions sur le disque sont devenues des hits en Guadeloupe, Martinique et ailleurs.
« ’David » s’est écoulé à près de 100 mille copies. DP Express fait salle comble partout où il est programmé. Ti Manno devient, dès lors, l’artiste haïtien le plus populaire et le plus adulé.
Avec des titres dont les paroles sont tirées du social, le public trouve en lui un porte-parole pour faire passer sa frustration à l’époque de la dictature.,
Après quelques années passées au sein du DP Express, il laisse le groupe en 1981 pour fonder son propre groupe musical, Gemini all Stars.
En été 1982, « L’argent », le premier album de GAS, atterrit dans les bacs. Il connaîtra un grand succès.
Que ce soit au gymnasium Vincent à la rue Romain, au Garage de la rue des Casernes ou encore dans les deux défilés carnavalesques que Ti Manno a eu le temps d’animer avec le DP Express, il sait comment haranguer la foule. Ses passages sur l’avenue John Brown (Lalue) ou à la rue Capois, devant le Rex Théâtre au Champ de Mars restent inoubliables et ont fait école.
Il suffit pour lui de prendre le micro et de dire : « Nap desan n lalu… », ou encore « retire chemiz… », pour qu’il allume le feu de l’animation.
Ti Manno est le chanteur haïtien le plus engagé dans le Konpa dirèk. Indiscutablement, il reste et demeure l’un des visages des plus emblématiques de la musique haïtienne. Une légende pour les fans martiniquais, guadeloupéens et guyanais, qui lui rendent hommage annuellement.

Walter P. Cameau

 

 

 

Emmanuel Antoine Jean-Baptiste (Ti Manno): La voix du silence

 

Radio Television Caraibes    ------Jean-Robert Noel on 13/05/2014 11:15:00

Il existe dans la vie une vérité immuable, universelle et absolue, c’est la mort que j’appelle Transition, simplement parce qu’elle n’est pas une fin. Elle est plutôt une porte charnière qui débouche sur un Nouveau Monde que nous devons tous découvrir un jour. La mort nous apprend à mieux apprécier et valoriser la vie sur cette terre de vanité. C’est ce qui me permet de définir la vie comme étant la plus courte distance qui s’étend de la naissance à la Transition. Naître, grandir, mûrir, mourir, retourner en poussière constituent le cycle de la vie, c'est-à-dire le fondement de l’existence.

Emmanuel Antoine Jean-Baptiste « Ti Manno » a complété le cycle de sa vie physique avant nous. Le nom Rossini prit son origine au sein même de la famille de l’artiste. Il s’agit d’un nom qu’il a hérité. Il était né Emmanuel A. Jean-Baptiste. Le 13 mai 1985, Ti Manno, après une maladie courageusement supportée, rendit l’âme. Sa Transition avait touché tout le monde. Tous les cœurs étaient plongés dans le deuil, allant des plus sensibles aux plus durs. J’ai vite compris que Ti Manno n’avait pas d’ennemis, mais peut-être que son succès lui avait fait des jaloux et des envieux sans qu’il ne se rendit pas compte. Le corps de Ti Manno a été inhumé le 18 mai 1985 à Woodside, Queens, New York, date à laquelle le maestro Nemours Jean-Baptiste a transité. On ne peut pas les oublier. La vraie mort c’est l’oubli, c’est à dire quand on ne parle plus de nos défunts ou quand on ne pense plus à eux.

Ti Manno au delà de l’univers commun

J’ai eu l’opportunité de côtoyer Ti Manno. On se rencontrait chez Dernst Emile, musicien, arrangeur, compositeur, pianiste, guitariste, instructeur, que l’artiste visitait souvent pour apprendre les notions fondamentales de la musique. Je le trouvais simple, sincère, honnête, sage et modeste. Il ne se gonflait pas la poitrine comme le font les chanteurs d’aujourd’hui. Il nous parlait de notre société qu’il connut mieux que Dernst Emile et moi. Il acceptait les critiques aussi dures qu’elles puissent être. Ti Manno avait une vision large, de grandes aspirations et des rêves gigantesques. Sa philosophie de la vie le plaçait dans un univers au delà du commun. Il croyait au changement et au bien-être collectif. Il avait fait un bon choix en engageant Dernst Emile comme arrangeur. J’accompagnais toujours Dernst Emile à Power Station, un studio d’enregistrement professionnel, situé en plein cœur de Manhattan à New York, où fut enregistré le dernier album de l’artiste. Dernst se chargeait des arrangements et de l’orchestration de ce dernier disque du chanteur.

Au studio, Katty, son épouse, était toujours à ses côtés. On dirait que l’artiste vivait pour et en elle, et elle en lui. Elle l’accompagnait dans toutes ses activités. Ti Manno nous a laissé une chanson qui traduit son grand amour pour elle et qui démontrait son appréciation du support qu’il recevait de sa bien-aimée. Ce n’est pas sans raison qu’il a partagé avec nous les paroles significatives qui suivent, à travers une chanson qui a fait pleurer tous ceux qui l’aimaient, particulièrement sa chère moitié, « s’il faut mourir un jour, je veux que tu sois là ». Physiquement, il était frêle, dépouillé d’énergie, mais mentalement et spirituellement il tenait fort à ce projet musical qui allait être son dernier. Il ne voyait ni ne sentait venir l’heure de la Transition. Même sur son lit de mort, Ti Manno crut qu’il allait sortir de cet état pour produire d’autres albums. Heureusement, il avait eu le temps de chanter en référence, ce qui a servi de guide aux musiciens qui l’accompagnaient. Il avait bénéficié d’un contrat pour cinq
ans d’une compagnie française de production, mais qu’il n’a pas eu le temps d’honorer.

Ti Manno : une étoile qui brille encore
Un artiste ne peut se dire grand tant qu’il n’a laissé une empreinte profonde que le temps ne peut balayer et que le vent de l’oubli ne pourra emporter. Un vrai artiste, tout comme le soleil, se couche et ne meurt jamais. Dès qu’on dit Ti Manno, on voit un géant. Son physique était loin d’être impressionnant mais son courage et sa bravoure avaient fait de lui un honorable messager, un chevalier sans peur et sans reproche. Il n’hésitait pas à dévoiler ce qu’il pensait. Il disait les choses telles qu’elles étaient et non comme un petit groupe aimerait qu’elles soient dites. Ti Manno disait bien haut ce que beaucoup ont eu peur d’exprimer même tout bas. Il jouait un rôle d’éducateur et fut un grand chroniqueur d’une réalité sociale. Il possédait un don verbal qui fit de lui le porte-parole des marginaux et des exploités de la société haïtienne.

On dirait qu’il a été le plus brave des chanteurs de toutes les générations. Aucun des présents chanteurs ne peut se comparer à Ti Manno, car n’ayant pas sa vision, ses qualités, sa discipline et sa compréhension musicales. Emmanuel A. Jean-Baptiste avait horreur de la trivialité. A travers la chanson « Korije », l’artiste a pointé du doigt les patrons qui abusaient de leur pouvoir pour séduire les jeunes qui étaient en quête d’emploi pour subvenir à leur besoin et à celui de leur famille. Ces hommes voulaient toujours placer les demoiselles à l’horizontal pour découvrir et drainer le contenu de leur réservoir d’amour avant de les embaucher, comme si c’était une condition sine qua non pour leur garantir un emploi.

Ti Manno mit clairement en relief l’une des conditions d’embauchage, ce que je formule comme suit : «Au lit on dort pour être à bord ». Et, dit-il, pour que ces dames bénéficient d'une augmentation de salaire, les conditions étaient beaucoup plus rigides: menaces de mise à pied par les patrons, violence verbale et physique, transferts d'un bureau à un autre ou bien d'une ville à une autre. Techniquement, disait-il, ce sont des cas de viols, d'abus sexuel. Tout ceci met en évidence un rapport constant maîtres-esclaves. Cela a été et est peut-être encore une réalité chez nous. Qui sait ? Outre les messages que Ti Manno délivrait, sa voix, son articulation, son dynamisme musical le différencient des autres et le rendent spécial et unique. A travers la chanson « Lajan », Ti Manno nous fait la leçon : « lajan fè nèg sòt chanje klas devan sa ki kiltive, lajan fè anpil fan m kiltive al pran nèg ki gwo soulye ». La vérité transcende le temps, c'est-à-dire qu’elle ne change pas de nature après une période déterminée. Elle demeure inchangeable même sous les rigueurs du temps. Et, mentir peut courir à la vitesse de la lumière, mais un beau jour la vérité l’attrapera sans effort-manti te mèt kouri jan l vle, verite ap toujou kenbe l.

Les mots de pouvoir et le pouvoir des mots

Ti Manno faisait le travail d’un sociologue. Il avait une vision des choses qui permit de voir au-delà de l’horizon commun à tous. Dans son album titré« Bamboche Créole », l’artiste nous a présenté un tableau où, avec précision, il dépeint la réalité de notre société. Dans la chanson «Kilti Pa Nou », le chanteur a utilisé des mots forts qui ont fait vibrer les cœurs et les âmes. Ti Manno possédait le pouvoir des mots et les mots de pouvoir capables de faire frissonner les mondes les plus subtiles. Cette chanson « Kilti Pa Nou » est si forte que l’énergie qui s’y dégage atteint souvent le psychisme de certains vodouisants, pour la plupart des femmes. Cela reste et demeure une énigme. Pourquoi les femmes ? J’ai été en plusieurs occasions témoin oculaire d’une telle aventure. Je les ai vues entrer en transe, soit au petit bal de salon ou dans les boîtes de nuit.  Dans ce même morceau, l’artiste s’affiche en homme à conviction et de principe qui choisit de s’attacher à sa culture plutôt que de chanter l’opéra que les snobs font semblant de comprendre et d’apprécier. Il ne voulait pas rejeter ce que la tradition culturelle nous impose. Ti Manno fut un vrai prophète du XXe siècle. Aujourd’hui, ses rêves deviennent réalité. Nous vivons maintenant tout ce qu’il avait prédit. Il dénonça l’hypocrisie des « tchulutchutchus » qui, au grand jour, jouent à l’aristocratie et deviennent très dévergondées au coucher du soleil lorsque résonnent en parfaite harmonie les bambous, les tambours et les cornets de nos bandes de Rara. Elles se déhanchaient au roulement des tambours quasiment sans arrêt, ne se rendant même pas compte que la musique entrait en coda. Elles tournaient au même rythme du début. Notre chanteur les pointait du doigt sans se cacher derrière une figure de style ou une quelconque métaphore.

La vérité sans fards

Le chanteur de Gemini All Stars mettait tout à nu, cela au vu et au su de tout le monde. Certaines gens réagissaient aux paroles de l’artiste comme si l’eau leur a été jetée en pleine face, mais cela n’a pas empêché qu’ils continuèrent à danser au rythme de la musique des Raras, surtout à Léogâne, ou bien dans l’Artibonite. Les paroles de la chanson titrée «Kilti Pa Nou » traduisent l’idée et la philosophie que prônait Ti Manno, « woy, di m sa ka p pase la e, ala mwen gen folklò mwen, mwen gen vye tanbou mwen, mwen gen Lafrik nan san m, yo vle pou m voye l jete pou m chante opera pou
yo, ….se lè vendredi sen rive pou w kenbe ipokrit nan Leogane o , sou pon Latibonit pou n kanpe gade tchulutchutchu , la jounen zèl fèmen lan nwit yo dekolte, bann anbachal yo, frape tanbou a pou yo ».

Le chantre national pensait à l’unification de tous les Haïtiens. Il a su bien utiliser la musique, ce grand medium, pour passer des messages importants et substantiels, contrairement à la majorité des chanteurs d’aujourd’hui. Il n’avait pas trop d’espace pour crier à longueur de journée « voye konpa monte ak de men nou, leve demen n anlè » comme le font les chanteurs de la génération actuelle, tous des soi-disant super-superstars. Emmanuel A. Jean-Baptiste (Ti Manno) se concentrait beaucoup plus sur les messages qu’il devait passer pour essayer de réveiller la conscience collective afin de mieux
travailler pour un lendemain meilleur.

Ti Manno savait aussi méditer et pleurer, larmoyant le sort des déshérités et des domestiques, des cireurs de bottes, des porte-faix au marché Croix des Bossales, à Port-au-Prince, des « brouettiers », des vidangeurs en Haïti, vivant avec leur misère au quotidien et qui ne peuvent trouver de quoi manger chaque jour. Ils n’ont pas les moyens leur permettant de répondre à leurs besoins immédiats. Au cours de mes conversations avec Ti Manno, on parlait souvent de Fort Sinclair, le quartier où habitait et vivait Lumane Casimir. Il faut dire en passant que c’est une zone négligée, inconnue, qu’aucun de
nos dirigeants haïtiens n’a jamais rêvé, voire pensé à inscrire dans leur agenda.

L’artiste-penseur considérait et valorisait la forte contribution des paysans dans la balance économique du pays. Il insinuait le développement de l’agriculture et montrait comment les provinces assuraient une grande fonction dans la vie quotidienne des citadins. Si pwovens pa desann, mounn lavil pa manje, nous rappelle la chanson. Il avait déclaré qu’un beau jour la misère deviendrait palpable et ferait augmenter le taux de prostitution et même engendrer la prostitution infantile. Il avait aussi prédit l’immigration massive des gens vers Port-au-Prince où ils pensaient trouver une vie meilleure, après avoir abandonné leurs outils de travail de planteurs-cultivateurs.

L’artiste et les valeurs sacrées de l’existence

Ti Manno n’était pas seulement un artiste, il fut aussi un conseiller. Il encourageait les jeunes à aller et à rester à l’école pour meubler leur esprit. Il leur mettait en garde contre les méfaits de l’argent. Il leur fit comprendre que leur cerveau représentait leur passeport. N’avait-t-il pas dit : « ti jènjan ka p etidie fò k nou pa dekouraje, se sèvo n ki paspò nou, lajan se sipèfli ». Il faisait allusion à l’instruction, à l’éducation et à la connaissance générale capables de façonner leur habilité cognitive.
Il fut très porté vers les choses de l’esprit et se gardait de tomber dans la polémique futile et la trivialité: « polemik pa p fènn avanse », a-t-il déclaré.

Emmanuel A. Jean-Baptiste (Ti Manno) condamna l’égoïsme et se montrait toujours contre la division. Sa chanson « Operasyon Men Kontre » nous en dit long. Nous savons tous que la division a traversé des siècles d’histoire sans jamais rien apporter à l’humanité sinon des querelles interminables, des conflits, des crises incessantes, des luttes fratricides et des guerres tendant à entraver ou atrophier le développement et l’avancement de notre société. Ti Manno fut un vrai panégyriste. Il sut apprécier les valeurs. Il faisait toujours l’éloge de ses amis ou d’un autre artiste, chose rare chez les Haïtiens. A travers toutes ses chansons, il prêchait surtout l’amour, la paix et l’harmonie, chemen lanmou, se li pou n chèche, nous conseille l’artiste Toutes les œuvres de Ti Manno furent sociocritiques. Il est parti sans avoir eu la possibilité de concrétiser tous ses rêves. Il n’a même pas eu le temps d’auditionner son dernier CD qui témoigne de son souffle puissant. Il fallait qu’il parte et réponde à l’appel de Dieu. Certes, Ti Manno a transité mais son nom fait encore écho et reste gravé au cœur de tous ceux qui peuvent apprécier son talent et ses messages à travers les œuvres qu’il nous a laissées. Manno, dans le ciel de notre mémoire tu scintilles encore de mille feux. Tu avais bien rempli ta mission sur cette terre de vanité, ce qui t’a valu une couronne que personne ne peut t’enlever.

Robert Noel

Page du texte : http://www.radiotelevisioncaraibes.com/nouvelles/culture/emmanuel_antoine_jean-baptiste_ti_manno_la_voix_du_silence.html

 

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