En tête-à-tête avec : Georges Loubert Chancy (Skah Shah)
1- Pourquoi ce surnom de « Zoie » ?
En fait, Il y a deux sens. D’une part, le petit son que fait l’anche du saxophone et d’autre part le dicton « ou fen kon zoie » (être bien habillé).
2 – D’où vous vient l’énergie que vous avez sur scène ?
Je marche régulièrement, et le public me donne aussi de l’énergie. Même si je suis fatigué et que je dois monter sur scène, cette fatigue disparaît dans les instants qui suivent le début du bal, du concert. J’estime avoir pour mission de satisfaire le public et cela jusqu’à la dernière note.
3 – Pourquoi le saxophone ?
Lorsque j’étais petit, j’habitais près d’un night-club dont le propriétaire jouait les disques de l’orchestre dominicain Typico. Le son de cet instrument que j’entendais, à travers les haut-parleurs, quasiment tous les soirs m’a plu.
Ma marque de sax préférée : Selmer (et cela depuis 36 ans).
4 – Une anecdote à propos d’un sax ?
La première fois que j’ai touché un saxophone, j’ai été comme fou ; c’était un rêve qui prenait forme.
Il avait un ami qui jouait au saxophone dans une fanfare et qui s’entraînait chez lui. Un jour, Loubert lui demande s’il pouvait lui apprendre à exécuter la gamme do majeur au sax. L’ami lui apprend et lui tend le sax. Alors, le feu s’insinue dans le corps et dans le souffle de Loubert qui joue comme s’il avait toujours joué ; il improvise… L’ami est bien fâché croyant que celui-ci voulait se moquer de lui, mais Loubert lui affirme qu’il n’en a jamais joué.
10 jours après cette rencontre initiatique Loubert intégrera un groupe de quartier.
5 – Quand prenez-vous le sax, en dehors des bals… ?
Quand je suis fâché, quand je veux me réfugier ailleurs que dans la réalité ou encore lorsque je pense à des moments difficiles.
Il m’arrive également de prendre ma guitare.
6 – Pourquoi la collaboration avec Mamina ?
Cette adepte du sax également, l’avait invité à jouer lors d’une soirée ; à l’issue de celle-ci un cd live est sorti.
A propos de Mamina : elle était intimidée ; avait comme perdu la tête lors de leur première rencontre. Pour elle, il est : Papy Loubert.
7 – Avez-vous écrit des chansons dites engagées ou avez-vous fait le choix de traiter de sujets plus « légers » ?
L’orchestre n’est pas un orchestre de type « engagé », mais nous chantons la réalité : si quelque chose se passe mal en Haïti il faut le dénoncer. Il faut aussi savoir donner des conseils en utilisant la chanson. Exemples : faire savoir au peuple que lorsqu’il quitte Haïti pour l’Eldorado américain, il peut très bien tombé en enfer ; ou encore il faut inciter les habitants à planter car la culture est importante : si on ne plante pas, il n’y aura rien à récolter (et là cette notion de semis doit être également vu dans le sens de la culture de soi, l’évolution personnelle). (des chansons dans cet ordre d’esprit : « Planté », « America »)
8 – L’écriture de la mélodie d’une chanson commence-t-elle quelquefois par ce que va jouer le sax ?
Oui, parfois.
9 – Comment un musicien haïtien de la diaspora peut-il aider concrètement Haïti ?
Les haïtiens envoient de l’argent au pays ; mais il est vrai qu’il vaut mieux apprendre à pêcher que donner un poisson.
Il faut une prise de conscience collective de tous les musiciens. On pourrait ainsi, annuellement, organiser un concert dont tous les fonds permettront de venir en aide aux enfants. Cependant, ce travail demande des bénévoles, du sérieux et surtout la complicité du gouvernement en place.
De mon côté, j’ai l’intention de créer une fondation pour aider les jeunes scolarisés en leur permettant de disposer de fournitures scolaires.
10 – A l’heure actuelle, un jeune musicien jouant du sax peut-il avoir une carrière assurée dans la musique haïtienne ou lui faut-il savoir jouer d’un autre instrument, savoir composer ?
Tout le monde peut composer, c’est une question de disposition physique et spirituelle. En général, un musicien peut jouer de deux instruments, au moins, mais il fait le choix d’un comme instrument principal et, continue simplement à se servir des autres. En ce qui concerne la carrière dans la musique haïtienne, je pense qu’en apprenant des erreurs des aînés un jeune musicien peut très certainement s’assurer une carrière en jouant non seulement du sax mais aussi de tous les autres instruments incluant tous les soufflants.
11 – Quels sont les saxophonistes qui vous ont influencé ?
Mon idole c’est Phil Woods. Et bien sûr, il faut connaître les grands ténors : Charlie Parker, John Coltran…
Le saxophoniste haïtien incontournable pour moi, c’est Webert Sicot.
12 – Quels sont les compositeurs (les compositions) que vous aimez jouer au sax ?
Tout dépend de l'époque et de l'ambiance. Au début j'aimais bien interpréter des chansons populaires de notre culture comme « Yoyo », « Haïti chérie », « Ti zoizeau » etc...etc... Ensuite ce fut le tour des chansons de Los Diplomaticos, de Fausto Papetti, de Paul Desmond, et maintenant pour quelques années, j'ai adopté des pieces interprétées pas Phil Woods, comme "At seventeen", "You must believe in Spring". Naturellement, tout le monde aime jouer certains thèmes comme "Summertime", "Misty", "Michelle" etc..etc... Mais, je prends également un plaisir immense à jouer « Caroline », « Bel Ti Machann », « Consolation », « Sentiment », « Haïti », « América » et autres morceaux du Skah Shah.
13 – Etes-vous simplement musicien (un artiste qui vit sa passion au jour le jour) ?
J’ai été enseignant pour enfants autistes durant quelques années, j’ai du laisser de côté avec la reprise de Skah Shah, car cela demande du 100 %. Je vais peut-être y revenir.
14 – Comment décidez-vous de la programmation des morceaux lors d’une soirée ?
Mon mentor, Serge Rosanthal des Shleu Shleu m’avait donné ce conseil : si c’est pour un festival, on programme les morceaux, sinon on joue en fonction du public que l’on a en face de soi lors du bal.
Merci à Loubert pour sa disponibilité sans faille.
Lana4 pour AntillesCompas le 04 août 2006
Comments